S’il y a bien une technologie dans le monde du vélo qui m’intriguait depuis quelques années, c’était bien cette transmission Classified PowerShift. Ma passion pour le (beau) matériel m’a poussé à tester cette innovation.
Après plus de 800 km en gravel et sur la route, voici mon verdict. 👇
Classified Powershift, c'est quoi ?
Créée en 2019, la marque belge Classified propose un système qui permet de bénéficier d’une transmission double plateau, mais avec l’apparence d’une transmission monoplateau. Le système s’intègre dans le moyeu de la roue arrière et permet d’offrir un ratio d’environ 0.7, actionnable à l’aide d’un bouton placé sur le cockpit.
Cette technologie est sans fil puisque le signal part du cockpit pour aller jusqu’à l’axe traversant de la roue arrière.
Classified Powershift permet de changer de rapport instantanément et sous charge, c’est-à-dire même lorsque vous pédalez avec force. Grâce à un système électronique situé dans le moyeu arrière, vous pouvez passer de “petit plateau” à “grand plateau” (ou l’inverse) en une fraction de seconde, sans avoir à manipuler de dérailleur avant.
Concrètement, à la place de deux plateaux, Classified a intégré un mécanisme dans le moyeu qui reproduit cette variation de ratio, tout en éliminant les inconvénients des dérailleurs traditionnels (comme la lenteur ou les risques de déraillement).
L’ensemble comprend donc :
- Un corps de moyeu spécifique
- Une unité de changement de vitesse
- Une cassette Classified
- Un axe traversant spécifique
- Un bouton pour le changement de vitesse
Cet article de test va être assez simple puisque je vais le diviser uniquement en deux parties. Les avantages et les inconvénients d’un tel système. Testé sur plusieurs semaines pendant l’automne, l’ensemble a été aussi bien utilisé en route qu’en gravel et par temps (très) humide.
Les avantages du Classified Powershift
Les avantages de cette transmission sont à mon sens multiples. On peut commencer par une fluidité et une rapidité de fonctionnement assez impressionnantes. Le passage du petit au grand plateau est quasiment imperceptible à l’oreille, mais aussi très fluide et bien plus rapide qu’un passage sur un groupe mécanique ou électronique. En comparaison avec du Sram Red ou du Shimano Dura Ace, c’est un cran au-dessus au niveau du « dérailleur avant ».
C’est encore plus impressionnant quand on passe du petit au grand « plateau » pour basculer à la fin d’une bosse par exemple. De quoi surprendre les coéquipiers avec qui on roule, car on peut rester en milieu de cassette et sur le grand plateau…
Ce qui m’a rapidement impressionné aussi, c’est la capacité du système de fonctionner sous une charge. J’ai testé de changer de plateau lors de sprints en côte proche des 1 000 watts et le système n’a pas bronché !
Monté sur ce Rose Backroad FF équipé avec une transmission Shimano GRX DI2, le fait d’avoir un montage Classified permet d’obtenir un monoplateau sur ce groupe électronique, chose non proposée à la vente par Shimano.
Ici avec un grand plateau Rotor de 48 dents, le moyeu Classified permet de simuler un petit plateau de 33 dents. Une combinaison 48-33 couplée à une cassette 11-34, idéal donc pour passer partout ou presque.
Surtout que ce gravel n’est pas voué à une utilisation en bikepacking ou à du gravel très engagé. On peut donc se permettre d’avoir un ratio de développement autour de 1. Il est aussi possible d’obtenir un grand plateau plus petit, ce qui permettra la simulation d’un petit plateau avec moins de dents.
Là-dessus, la technologie semble être très bien maîtrisée. Je n’ai subi aucune déconnexion ou bug pendant toute la durée du test.
Je me suis donc surpris à changer beaucoup plus fréquemment de plateau grâce à cette technologie. Là où parfois on hésite à basculer sur le petit et on passe les bosses en force, ici le changement est tellement rapide et efficace que l’on se permet un peu plus de folie. 😁
Côté fonctionnement à l’usage, c’est donc un sans-faute !
Les inconvénients du système Classified
Je dois vous avouer que je constate quelques inconvénients à ce système (inconvénients qui peuvent être subjectifs en fonction du pilote).
Je commencerai avec la position du bouton. Je ne la trouve pas très ergonomique me concernant. L’appui peut aussi s’avérer assez dur. J’aurais aimé une intégration avec le levier gauche, que l’on soit chez SRAM ou Shimano. Même si leur écosystème est fermé, j’espère à l’avenir voir un partenariat entre ces marques.
Cela serait selon moi une grosse plus-value pour ce système et permettrait de rendre son utilisation encore plus transparente. Notez que certains « bidouilleurs » y arrivent mais je vous déconseille cette méthode qui fera à coup sûr sauter la garantie du système Classified mais aussi celle de votre transmission.
Ensuite, même si les roues, ici les G42, sont annoncées à 1 300 grammes la paire (+250 g pour le système Classified), il est difficile pour moi de juger de leur efficacité. Il aurait fallu que je teste ce vélo avec une autre paire de roues, et donc me passer du système Classified, pour voir à quel point elles jouent – ou non – sur le comportement du cadre. Une chose qui est sûre : la roue arrière est lourde, vu qu’elle est équipée du moyeu spécifique.
À l’utilisation, je pense donc qu’il s’agit de bonnes roues, mais nous ne sommes pas non plus sur une paire qui va transcender votre cadre. Je peux ajouter que le montage tubeless s’est avéré très facile. Je n’ai pas ressenti de prise au vent latérale exagérée. La hauteur de jante est plutôt en adéquation avec l’utilisation du Rose Backroad FF.
C’est d’ailleurs une des limites de ce système. Difficile d’avoir un vélo avec plusieurs paires de roues si vous optez pour le Classified.
À moins d’avoir deux paires équipées du système – ce qui va vite devenir onéreux – on perd clairement l’intérêt si vous basculez sur une paire de roues sans le moyeu spécifique.
Toutefois, si vous voulez un seul vélo pour une utilisation route et gravel, et que vous habitez une région relativement plate, il peut être intéressant d’avoir une paire de roues sans le système pour vos sorties routes et une paire de roues avec le système pour vos sorties gravel.
Je regrette aussi le système de charge. Déjà pour son ancienneté, puisqu’on retrouve un port micro USB et non un port en USB-C comme cela devrait être le standard en 2024. De plus, son emplacement s’avère peu pratique. Il faut enlever l’axe traversant, défaire un capuchon hermétique qui assure la bonne étanchéité du système et là vous pouvez accéder au port USB. Peu pratique donc de mettre à charger un axe traversant rempli de graisse.
Heureusement que ce dernier ne nécessite pas une charge régulière puisque son autonomie se situe aux alentours des 6 mois. Un point positif pour Classified, car notre vélo commence à ressembler à une centrale électrique entre la transmission, le capteur de puissance, le GPS, le radar, la ceinture cardiaque… 😁
Le récepteur positionné dans le cintre fonctionne à l’aide d’une pile plate… Là encore, un standard un peu dépassé puisqu’il s’agit d’une pile CR1632 alors qu’en France nous sommes plus habitués au CR2025 ou CR2032 que l’on retrouve dans la plupart des ceintures cardiaques par exemple.
L’un des derniers inconvénients et pas des moindres : le tarif. Si vous souhaitez équiper un vélo que vous possédez déjà avec le système Classified, cela risque de vous coûter très cher ! Par contre, sur un modèle de série déjà équipé du système, la douloureuse passe un peu mieux selon la marque choisie.
Ici par exemple, ce Rose Backroad FF est affiché à 6 049 euros avec une transmission électronique et une paire de roues carbone. La même version mais sans le système Classified est affichée à 4 839 euros.
Le système complet est commercialisé à 2 599 euros. Il comprend donc la technologie et une paire de roues carbone Classified.
Vous pouvez aussi acheter uniquement la technologie au prix de 1 299 euros et la faire installer sur une paire de roues compatibles.
Enfin, je terminerai ce test avec un dernier tout petit détail (vraiment petit) : les gains aéros. Le fait d’avoir un axe traversant avec l’attache non amovible n’est pas des plus aéros. Personnellement, ça ne me dérange pas spécialement, mais c’est un critère à prendre en compte si pour vous chaque watt compte ! Pour contrebalancer ce point, on peut souligner que la ligne de chaîne est « propre » grâce à une cassette compacte malgré le monoplateau.
Mon avis final sur le Classified Powershift
Globalement, mon expérience avec le système Classified PowerShift a été plutôt positive. Le fait d’avoir un vélo en monoplateau tout en conservant les avantages d’une transmission double est assez grisant à l’utilisation. Le système s’avère plutôt fiable et la technologie semble être maîtrisée. Restent quelques petits défauts de jeunesse qui, je pense, pourront assez facilement être améliorés sur une prochaine version. J’évoque ici le positionnement et l’intégration du bouton ou encore le système de recharge de l’axe traversant arrière qui s’avère peu pratique.
Malgré les avantages et les intérêts du système, je pense qu’il va rester encore pendant quelques années une transmission de niche réservée à certains pratiquants un peu geeks et qui souhaitent se différencier. Particulièrement adapté au gravel, il résout avec merveille l’équation mono ou double plateau. Reste le prix….